Le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a été publié le 12 décembre 2019 instaure un principe de recours aux modes amiables préalable à toute saisine du juge. L’objectif affiché du législateur est d’accentuer la logique de déjudiciarisation.
Le texte envisage la médiation, la conciliation la mise en état participative.
En revanche, le texte n’envisage par le processus collaboratif, mais n’y fait pour autant pas obstacle.
Ce processus, qui ne fait pas nécessairement intervenir de tiers mais requiert en revanche l’intervention d’avocats formés au droit collaboratif présente la particularité de se dérouler en plusieurs étapes prédéfinies dans un contrat signé par les parties et leurs avocats et organisant un travail en équipe.
Dans ce cadre, les parties sont assistées chacune de leur Avocat, spécialement formé au droit collaboratif, dont le rôle consiste à leur apporter leurs connaissances juridiques et leur expérience, et à animer la négociation entre elles.
Le processus collaboratif se déroule par étapes successives, selon un ordre rigoureux, dans un cadre précis dans un climat apaisé.
L’Avocat américain, Stuart Webb, a instauré la pratique du droit collaboratif en 1990 dans l’état du Minnesota aux Etats Unis.
Il a souhaité résoudre les litiges par la négociation, et a défini une méthodologie mettant au premier plan les clients.
Son approche innovatrice a depuis fait des adeptes sur le sol américain, mais aussi au Canada, si bien qu’un groupe de droit collaboratif s’est créé au Québec en 2002.
Le droit collaboratif a ensuite traversé l’Atlantique, et des formations sont organisées en France, si bien qu’une pratique commence à se développer aussi chez nous, principalement en droit de la famille.
L’objectif est la recherche de solutions viables, choisies par les parties, afin de mettre un terme au différend qui les oppose. Le climat de collaboration réduit le stress associé à tout conflit.
Le Droit Collaboratif utilise les techniques de communication : écoute active, reformulation, et celles de la négociation raisonnée.
La maîtrise de ce processus nécessite une formation au droit collaboratif pour permettre de dégager des solutions voire « la » solution au litige.
La qualité de la discussion instaurée entre les parties et les Avocats collaboratifs assure la pérennité de l’accord.
L’intérêt du droit collaboratif est que ce sont les parties qui prennent les décisions.
Le processus collaboratif exige la participation active des parties, cible les intérêts respectifs, diminue l’hostilité, permet d’envisager en commun l’avenir.
Si l’une des parties choisit d’arrêter le processus, chaque Avocat doit se retirer et cesser d’agir pour son client après avoir assuré un transfert ordonné du dossier.
Ce sont les parties qui contrôlent le processus ; sa durée varie en fonction du temps requis selon chaque situation.
A ce stade, il devient perceptible que les avocats collaboratifs travaillent en équipe au service de la recherche d’une solution amiable.
I- La présentation générale de la méthode contractuelle de négociation.
D’un point de vue pratique, le processus collaboratif est une méthode contractuelle de négociation.
Le processus de droit collaboratif consiste à prévoir aux termes d’un contrat, signé par les parties et leurs avocats respectifs formés au droit collaboratif, l’engagement de négocier en toute transparence et en toute bonne foi, avant toute saisine judiciaire, selon un procédé couvert par une confidentialité renforcée.
Le droit collaboratif repose donc sur un véritable contrat, signé par les parties et leurs Avocats, qui s’engagent dans la recherche d’une solution négociée, dans un contexte encadré leur permettant de travailler en équipe et de concert.
Aux termes du contrat collaboratif, les parties prennent l’engagement de ne pas saisir le juge pendant la durée du processus. Le processus de droit collaboratif intervient donc avant toute saisine d’un juge.
En pratique, la négociation en droit collaboratif se déroule en plusieurs étapes, prédéfinies aux termes du contrat, les avocats signataires ayant le rôle d’encadrer les étapes de la négociation.
La négociation dans le processus de droit collaboratif consiste pour les parties à trouver en toute transparence et de bonne foi une solution à leur différend avec l’aide de leurs avocats respectifs, lors de rencontres de règlement à quatre (les deux parties et leurs deux avocats).
La solution doit être acceptable pour les deux parties et pérenne.
II- Dans les six étapes successives doivent être bien clarifiés les besoins et les préoccupations du client et ceux des autres parties en lien avec la résolution du différend.
1. La première consultation entre l’avocat et le client.
L’avocat présente le droit collaboratif et le litige. Si le client choisit le droit collaboratif, le client peut soumettre lui-même cette approche à l’autre partie ou encore, l’avocat collaboratif peut envoyer une lettre à l’autre partie l’invitant à considérer ce processus.
2. Le premier contact avec l’autre partie.
Une fois que les deux parties ont convenu de procéder par le processus de droit collaboratif et qu’ils ont chacun leur avocat collaboratif, un premier contact s’établit entre les deux avocats.
Ils déterminent les points urgents et majeurs et les préoccupations de leurs clients respectifs qui seront à l’ordre du jour pour discussions et négociations à la première rencontre de règlement.
3. La préparation du client.
L’avocat rencontre son client pour connaître parfaitement : les faits et les conflits de façon à cerner ce qu’il veut vraiment. L’avocat explique à son client quels sont ses droits et ses obligations.
Il lui explique également le déroulement d’une rencontre de règlement et le rôle de chaque participant.
Il évoque les outils de communication à utiliser pour avoir des discussions et des négociations positives et constructives basées sur les intérêts respectifs des parties.
4. La première rencontre de règlement.
Après les présentations d’usage, une entente de participation en droit collaboratif est lue.
Les avocats répondent aux questions que les clients pourraient avoir sur cette entente.
Lorsque tous sont d’accord sur cette entente et qu’ils s’engagent à la respecter, elle est signée par les quatre participants (parties et avocats).
Par la suite, on identifie les problèmes qui doivent être négociés en donnant priorité à ceux qui sont considérés les plus urgents à résoudre.
La négociation commence.
On termine cette étape en déterminant quels seront les informations et les documents à échanger pour la prochaine rencontre de règlement, ainsi que les tâches qui devront être faites pour cette prochaine rencontre.
Un échéancier des prochaines rencontres de règlement est établi.
Au terme de cette première rencontre, l’avocat et son client font le point et les avocats font un suivi.
Lors des rencontres, un compte rendu est rédigé par l’un des avocats et soumis aux trois autres participants pour approbation.
5. Les rencontres de règlement subséquentes.
La négociation se continue d’une rencontre à l’autre en identifiant les points en litige et en travaillant en étroite collaboration dans la recherche de solutions pour arriver à une entente.
6. Le Règlement et clôture.
Les avocats rédigent une convention de règlement dans un langage clair et compréhensible.
Autant que possible cette convention est signée en présence des quatre participants pour ainsi clôturer le processus.
Ensuite les parties pourront faire homologuer cette entente par le tribunal.
III- Grace à ces étapes, le client aura eu l’occasion de s’exprimer, de se sentir écouté, aura la capacité d’imaginer ce que peuvent être les intérêts des autres parties.
Le droit collaboratif est donc un processus qui permet aux parties de continuer à se parler et à négocier en présence l’un de l’autre, et en présence de leurs avocats, pouvant ainsi bénéficier des conseils de leurs avocats respectifs au fur et à mesure du déroulement du processus.
Ce processus aide et encourage à maintenir les communications entre les parties et de progresser dans la recherche de solutions.
Les négociations se font sur la base des intérêts des parties ; chacune peut alors exprimer quels sont ses besoins et ses désirs.
Dans un souci de faciliter la parole et de favoriser l’écoute, il faut rappeler qu’un discours empreint de reproche n’est pas audible.
Il faut ainsi veiller à laisser libre cours aux parties.
Elles livreront leur version du différend.
Les conseils seront amenés à reformuler la parole des parties dont ils ne sont pas le conseil.
Cette technique renforce le sentiment de chacun d’être entendu et pris en considération.
Elle favorise la communication en équipe.
Elle facilite la compréhension par chacun de son propre discours et du discours de l’autre.
D’un point de vue pratique, les avocats sont garants du respect pour chaque partie des règles de communication, de l’équilibre du temps de parole, de courtoisie, de respect.
IV- Les non dits sont susceptibles de conduire a une impasse pouvant compromettre le processus.
Les avocats devront prendre la juste mesure des propos et des occultations par leur client et ne pas hésiter à proposer, si nécessaire, une réunion supplémentaire toujours préférable à un blocage.
D’un point de vue pratique, il faut favoriser la libre expression des parties.
Il faut faire une synthèse qui doit se concentrer sur les thèmes, et les difficultés rencontrées et sur les moyens d’y remédier.
Dans un souci d’efficacité, le compte rendu doit donc impérativement proscrire les formules telles que « les allégations, les signes d’exclamation » et restituer le discours des parties avec objectivité.
Les avocats praticiens du droit collaboratif doivent être formés au processus collaboratif avant d’utiliser ce mode amiable : la formation est indispensable car elle permet de maîtriser le processus de négociation et les outils sur lesquels il s’appuie (négociation raisonnée, écoute active, reformulation).
Les avocats acquièrent ainsi de nouveaux réflexes de négociation pour parvenir à un accord nécessairement complet et global.
Les avocats formés au processus collaboratif travaillent avec leurs clients sur leurs priorités et recherchent avec eux les options qui seraient acceptables pour l’une et l’autre des parties.
Il s’agit de dégager une solution globale à tous les points de différend.
Ce processus répond au souhait des justiciables de parvenir à des accords pérennes, dans un cadre sécurisé et apaisé, et dont ils restent maîtres, la solution ne leur étant plus imposée par le juge.
La contractualisation de l’engagement de négocier selon les principes du droit collaboratif permet d’amorcer les discussions dans un état d’esprit différent.
V- En cas d’accord.
Tous les intervenants ont ainsi intérêt à ce que la négociation aboutisse.
Les avocats le pratiquant s’assurent que, tant l’autre partie que leur client, sont désireux et prêts à négocier de bonne foi et en toute transparence, afin de trouver une solution globale acceptable pour l’un et l’autre.
En cas d’accord, les parties peuvent, ou non, décider de faire homologuer leur accord.
VI- En cas d’échec.
Les avocats s’engagent contractuellement à se retirer de la défense de leurs clients au contentieux. Cette obligation contractuelle peut apparaître comme un obstacle, mais fait au contraire tout le succès du processus de droit collaboratif, les avocats étant autant engagés que leurs clients.
La force de ce mode amiable de résolution des litiges réside donc aussi dans cette obligation de retrait des avocats en cas d’échec du processus et d’ouverture d’un contentieux.