Pour les magistrats, la médiation représente un nouvel outil à leur disposition. La chambre sociale et commerciale est le terrain principal d’expérimentation de médiation judiciaire dans le ressort. Comment la prescription de la médiation se construit sur le terrain dans les juridictions ?
1°- Le dispositif de la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Lyon.
L’expérience de la Chambre sociale de la Cour d’Appel de Lyon est sans doute l’une des plus anciennes expérimentations sur le territoire Lyonnais.
Au moins, Cinq magistrats se sont succédé depuis l’année 2010 et ont bon an mal an maintenu l’expérience depuis lors.
Il y a eu plusieurs périodes dans cette expérimentation. De nos jours, elle est assez bien structurée. Il y a eu des phases où les parties étaient convoquées à des audiences spécifiques pour transmettre la proposition de médiation aux parties et aux défenseurs.
Les médiateurs étaient présents et pouvaient soit convaincre les parties d’entrer dans ce processus, soit développer une information plus fournie pour ceux qui le souhaitaient.
Nombre de retours ont montré que la proposition faite dans le cadre de procédures spécifiques n’était pas reçue au même titre qu’une audience prévue dans le cadre judiciaire.
D’un point de vue procédural, il en est bien ainsi. Cependant les magistrats tentaient de créer un contact direct avec les parties, dans le cadre d’une audience, ceux étant convaincu que ce procédé serait le plus convaincant.
Ce manque d’efficacité a renforcé les porteurs du projet dans leur idée que le processus de prescription serait plus efficace si le magistrat était amené à agir lors de l’audience prévue dans la procédure.
De nos jours, ces audiences spécifiques n’existent plus. C’est le magistrat qui convoque les parties pour les dossiers qu’il juge opportun de porter en médiation. S’il recueille l’adhésion des deux, il nomme alors un médiateur ou une association de médiation qui est prévenue par courrier de sa nomination, charge à elle de contacter les parties et d’organiser la médiation.
Un des enseignements majeurs de cette expérience est que le face à face entre le Juge et le justiciable semble primordial et déterminant quant à l’enclenchement du processus.
Comme le disait très justement Antoine Garapon, docteur en droit, essayiste et magistrat, secrétaire général de l’Institut des Hautes Etudes sur le Justice, connu du grand public pour ses ouvrages et émissions radio traitant du droit et de la Justice :
« il ne s’agit pas uniquement de convaincre par le poids de la parole mais également par le poids du symbole ».
2° - Le dispositif de la Chambre Commerciale de la Cour d’Appel de Lyon.
Au sein de la Chambre Commerciale de Lyon, une autre initiative a été menée par sa Présidente et un conseiller pour promouvoir la médiation.
Ces deux magistrats ont pris l’initiative de proposer la médiation de manière systématique, sans sélection des dossiers, tout en prenant soin d’exclure ceux où il n’y a pas de possibilité de transiger, à savoir les procédures collectives, ou ceux qui font intervenir une question d’ordre public.
Le choix d’éviter la sélection des dossiers a priori s’explique par le coût en temps que cette opération exigerait.
La médiation n’est donc pas mise en œuvre dans les cas suivants :
- Des litiges semblant appeler une solution strictement juridique ;
- La règle du dessaisissement du débiteur en matière de procédures collectives ;
- L’immunité de juridiction ;
- Le pouvoir juridictionnel du Juge ;
- La demande d’ouverture de procédure collective ;
- La demande non chiffrée ;
- L’absence de certains actes ou formalités ;
- Le défaut de publication d’une demande immobilière ;
- La demande d’annulation de droits résultant d’actes soumis à publicité ;
- Le défaut de qualité ;
- Le défaut d’intérêt ;
- Le délai Préfix ;
- La chose jugée ;
- La prescription.
Ainsi en est-il lorsqu’une partie fait défaut ou que le représentant d’une des parties n’a pas pouvoir pour engager celle-ci.
De même, lorsque le litige appelle une solution tranchée en droit.
D’une manière concrète, ce dispositif consiste dans un premier temps à envoyer un courrier à l’ensemble des parties et à leurs avocats.
Le courrier possède une forme assez administrative. Il explique le cadre dans lequel le choix a été fait d’envoyer ce courrier aux parties et aux avocats, et il prend la précaution de souligner les avantages de ce mode de résolution des litiges en précisant ses avantages (confidentialité, sécurité juridique).
Il n’entre cependant pas dans les raisons qui ont motivé cette proposition et si cela s’est fait à la suite d’un examen du dossier.
Ces deux expériences se soldent néanmoins par une issue assez peu satisfaisante.
Un décalage semble exister entre l’investissement des magistrats et le résultat faible en chiffre absolu.
Un rapport de 1 à 8% de médiations ordonnées sur le total des litiges n’est pas à la hauteur des espérances des promoteurs du dispositif.
Le principal écueil de ce système tient à la faible personnalisation de la proposition de médiation car le courrier garde un ton assez administratif.
Ces expériences montrent que les résultats sont directement fonction du degré d’implication des juges et de la place qu’ils entendent donner aux médiateurs qui les assistent dans cette tâche.
Il ne faut toutefois pas négliger la place de l’avocat dans ce dispositif qui est celui de la prescription de la médiation et de l’accompagnement du client par son avocat vers la médiation pour le confier, en confiance, dans les mains du médiateur.
Il lui revient d’intégrer la médiation dans son offre de solutions aux clients qui peut se révéler être une alternative opportune à la négociation qui n’a pas abouti, au contentieux judiciaire ou à l’arbitrage à engager.
L’exigence de formation à la prescription de la médiation judiciaire doit tout d’abord être augmentée pour améliorer la prescription de la médiation judiciaire.
Cette amélioration suppose également de développer des formations à la médiation destinées aux magistrats et avocats prescripteurs portant sur la pédagogie de la médiation.
Pour former à la pédagogie de la médiation, l’Institut des Hautes Etudes en Médiation et Négociation (IHEMN) à Aix en Provence travaille sur des sessions de magistrats prescripteurs dans le cadre de la formation continue de l’ENM. Nombre d’entre eux souhaitent connaître et comprendre quelle est la posture du médiateur sans pour autant vouloir l’adopter dans leur pratique quotidienne.
Au niveau des juridictions, et notamment des Cours d’Appel, la désignation d’un conseiller animateur et coordinateur de la médiation paraît indispensable pour permettre le lien entre les différents prescripteurs, favoriser et diffuser la connaissance de la médiation tant auprès des magistrats que des avocats, renforcer institutionnellement le discours favorable à la médiation et aux modes amiable plus globalement, rendre concrètes, les initiatives comme celles de la Chambre sociale de la Cour d’Appel de Paris et de la Chambre sociale et commerciale de la Cour d’Appel de Lyon par la diffusion de débat, des espaces d’échanges sur la pratique.