La procédure Civile se trouve modifiée en profondeur. C’est un nouveau logiciel ! La complexité est partout. Afin de faciliter l’appropriation de cette réforme, il est proposé ici de synthétiser les principales modifications apportées par le texte concernant la représentation obligatoire devant le Tribunal judiciaire afin d’aider les professionnels à préparer leur mise en œuvre.
Dans quels cas l’Etat, les départements, les régions, les communes, et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration ?
L’Article 5 de la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit que « sous réserve des dispositions particulières, l’Etat, les régions, les départements, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration ».
En application de cette disposition, l’administration bénéficie d’une dispense particulière puisque, même dans les matières où la représentation par avocat est en principe obligatoire, elle peut être représentée par un fonctionnaire ou un agent.
Direction des affaires civiles et du sceau - Février 2020.
Comment détermine-t-on la représentation des parties dans le cadre de la procédure accélérée au fond de l’Article 481-1 du Code de procédure civile ?
La règle applicable au mode de représentation, dans la procédure accélérée au fond, est celle qui serait applicable si la demande était présentée au fond : elle est donc déterminée selon la matière et/ou le montant du litige [1].
Ainsi, lorsque la représentation obligatoire s’applique à raison de la matière ou du montant du litige, elle s’applique également en procédure accélérée au fond.
Les requêtes en injonction de payer d’un montant supérieur à 10.000 euros ou relevant d’une matière de la compétence exclusive du tribunal judiciaire sont-elles concernées par la représentation obligatoire ?
L’Article 1407 du Code de procédure civile prévoit que la requête en injonction de payer peut être présentée « par tout mandataire » et ce, quelle que soit la matière ou le montant de la demande. Cette rédaction à droit constant n’a pas changé avec la réforme de la procédure civile.
La question de la représentation obligatoire ne se pose donc qu’au stade de l’opposition.
Les procédures de délaissement et de retrait total ou partiel de l’autorité parentale sont désormais soumises à représentation obligatoire par avocat. Pour autant, elles demeurent des procédures orales.
Comment concilier cette disposition prévue à l’Article 1203 du Code de procédure civile avec les dispositions des Articles 1204 et surtout 1208 du Code de procédure civile ?
Dans un litige en matière familiale, lorsque la représentation est obligatoire, le parent défendeur ne peut formuler des demandes et des moyens à leur soutien que s’il a constitué avocat pour le représenter.
A défaut, le juge peut toujours l’entendre, d’office, dans le cadre d’une audition [2].
L’Article 761 3° du Code de procédure civile fait référence aux matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.
Or, l’Article R 211-3-26 du COJ dispose que le tribunal judiciaire a compétence exclusive dans les matières déterminées par la loi et les règlements mais les actions en dommages corporels n’y figurent pas. Est-ce une compétence exclusive ?
L’Article L211-4 du Code de l’organisation judiciaire précise que le tribunal judiciaire a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements.
L’Article L211-4-1 du COJ précise que le tribunal judiciaire connaît des actions en réparation d’un dommage corporel.
En effet, la liste des matières figurant à l’Article R211-3-26 du COJ [3] n’est pas limitative : « le tribunal judiciaire a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements, au nombre desquelles figurent les matières suivantes […] ».
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L’Article R211-3-26 du COJ, dans sa rédaction issue du décret du 30 août 2019, met au nombre des compétences exclusives du tribunal judiciaire les procédures de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires.
La constitution d’avocat dans ces procédures est-elle obligatoire par application du 2ème alinéa de l’Article 761 [4] ?
L’Article 853 du CPC prévoit que, pour les procédures instituées par le livre VI du Code de commerce [5], les parties sont dispensées de l’obligation de constituer avocat.
Cette dispense est applicable non seulement devant le Tribunal de commerce, mais aussi, en application de l’Article R662-2 du Code de commerce, devant le tribunal judiciaire saisi d’une procédure collective.
Ces dispositions spéciales, propres aux procédures du livre VI du Code de commerce, dérogent aux dispositions générales de l’Article 761 du CPC.
L’Article 760 du Code de procédure civile dispose que les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire et l’Article 761 du CPC prévoit une dispense de constitution d’avocat dans certains cas, et notamment lorsque la demande a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant d’excède pas 10.000 euros.
Quid des demandes d’expertise présentées en référé sur le fondement de l’Article 145 du CPC ?
Il n’est pas toujours possible de rattacher ces demandes à une obligation chiffrée à ce stade, notamment en matière extracontractuelle [6].
Quid également des demandes purement indéterminées comme les demandes de communication de pièces sous astreinte ?
L’Article 761 du Code de procédure civile, relatif à la représentation des parties devant le tribunal judiciaire, ne distingue pas selon que la procédure est au fond ou en référé.
Dès lors, si la demande ne peut être rattachée à une obligation chiffrée mais qu’elle se rapporte à une matière dispensée de la représentation par avocat [7], les parties ne seront pas soumises à l’obligation de constituer avocat. Dans le cas contraire, la représentation par avocat est obligatoire.
Comment s’apprécie le montant de la demande ? Comment faut-il procéder en présence d’une demande reconventionnelle ou d’une demande incidente de manière générale ?
Il faut appliquer les règles des Articles 35 et suivants du Code de procédure civile. S’agissant de la demande reconventionnelle, cette question est traitée par l’Article 37 du Code de procédure civile. Le juge saisi d’une demande principale entrant dans le cadre de la dispense de représentation obligatoire, connaît de la demande reconventionnelle qui elle-même répond à ces critères [8] et ce, même si, réunie aux prétentions principales, elle excéderait ce montant.
S’agissant de la demande incidente [9],
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L’Article 761 expose son sort : « lorsqu’une demande incidente a pour effet de rendre applicable la procédure écrite ou de rendre obligatoire la représentation obligatoire par avocat, le juge peut, d’office ou si une partie en fait état, renvoyer l’affaire à une prochaine audience tenue conformément à la procédure applicable et invite les parties à constituer avocat ».
L’extension de la représentation obligatoire par avocat à certaines procédures de référé est-elle applicable aux affaires en cours au 1er janvier 2020 ?
Non : l’extension de la représentation obligatoire n’est applicable qu’aux instances introduites après le 1er janvier 2020.
En effet, les Articles 760 et 761 du Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2019-1333 réformant la procédure civile, constituent une mesure d’application réglementaire de l’Article 5 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Or, la loi du 23 mars 2019 prévoit en son Article 109 que les dispositions relatives à l’extension de la représentation obligatoire s’appliquent aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.
Par suite, s’agissant des Articles 760 et 761 du CPC, le décret du 11 décembre 2019 ne peut être interprété comme leur conférant une autre date d’entrée en vigueur que celle définie par la loi.
Par suite, les dispositions relatives à la représentation obligatoire définies aux Articles 760 et 761 du CPC s’appliquent aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.
Est-ce que les règles de la postulation s’appliquent ?
Les règles de la postulation issues des Articles 4 et 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 n’ont pas été modifiées de sorte qu’elles ont en principe vocation à s’appliquer aux matières qui se sont vues étendre la représentation obligatoire par avocat.
Toutefois, dans un avis rendu le 5 mai 2017, la Cour de cassation a jugé qu’il résultait des Articles L1453-4 du Code du travail et 5 et 5-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que les règles de la postulation ne s’appliquaient pas devant la cour d’appel en matière prud’homale car : « ces dispositions, d’une part, instaurent une procédure spécifique de représentation obligatoire propre à la matière prud’homale, permettant aux parties d’être représentées non seulement par un avocat mais aussi par un défenseur syndical, et, d’autre part, élargissent le champ territorial de la postulation des avocats à l’effet, dans un objectif d’intérêt général, de simplifier et de rendre moins onéreux l’accès au service public de la justice ». [10]
Lorsque les parties sont soumises à l’obligation d’être représentées sans être tenues d’être représentées par un avocat, la Cour de cassation juge donc que les règles de la postulation ne s’appliquent pas.
Devant le JEX, deux procédures doivent être distinguées :
- la procédure ordinaire : les parties doivent être représentées par un avocat lorsque la demande a pour origine une créance ou tend au paiement d’une somme supérieure à 10.000 euros [11] ;
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- les ordonnances sur requête : les parties doivent être représentées par un avocat ou par un huissier de justice lorsque la demande a pour origine une créance ou tend au paiement d’une somme supérieure à 10.000 euros [12].
Ainsi, lorsque le JEX est saisi sur requête d’une demande qui a pour origine une créance ou tend au paiement d’une somme supérieure à 10.000 euros, le requérant doit être représenté, mais son représentant n’est pas nécessairement un avocat.
En conséquence, et sous réserve de l’appréciation souveraine des juridictions, les règles de la postulation :
- ne s’appliquent pas lorsque le JEX est saisi sur requête d’une demande qui a pour origine une créance ou tend au paiement d’une somme supérieure à 10.000 euros dans la mesure où le requérant doit être représenté mais où son représentant n’est pas nécessairement un avocat ;
- s’appliquent dans tous les autres cas.
Est-ce que le délai de 15 jours pour constituer avocat s’applique à la procédure de référé ?
L’Article 763 du Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, dispose : « Lorsque la représentation par avocat est obligatoire, le défendeur est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours à compter de l’assignation ».
Cette disposition figure dans le chapitre II du sous-titre Ier du titre I du livre II qui concerne les dispositions communes applicables au tribunal judiciaire. Elle a donc vocation à trouver application à la procédure de référé ainsi qu’à la procédure accélérée au fond.
Le délai de 15 jours court à compter de l’assignation. Il est institué pour garantir le respect des droits de la défense. Il interdit donc que l’audience se tienne avant l’expiration de ce délai. En revanche, si l’audience est fixée au-delà du délai de 15 jours, la constitution d’avocat après le 15ème jour n’entraîne aucune conséquence.
Ce délai peut cependant être écarté en application de l’Article 755 du Code de procédure civile : en effet, cet Article 755 du Code de procédure civile dispose qu’en cas d’urgence, les délais de comparution et de remise de l’assignation peuvent être réduits par autorisation du juge. Ils peuvent être également réduits en application de la loi ou du règlement.
Dans les procédures avec représentation obligatoire, le délai de constitution de l’avocat du défendeur est assimilable à un délai de comparution que le juge peut réduire en application de l’Article 755 du Code de procédure civile. Cela nécessite toutefois l’intervention du juge au cas par cas.
Les référés demeurent-t-ils une procédure orale, même en cas de représentation obligatoire par avocat ?
Oui. La procédure de référé se situe dans le chapitre II du sous-titre III intitulé « la procédure orale ». Il s’agit donc toujours d’une procédure orale, au même titre que la procédure accélérée au fond.
Cela signifie que les avocats peuvent toujours, comme avant, ne pas prendre de conclusion et exposer oralement leurs demandes et moyens.
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En matière de référés, la remise de l’assignation est-elle encadrée par des délais particuliers ?
Oui : l’Article 754 du Code de procédure civile s’applique. Lorsque la date d’audience est fixée moins de deux mois après la communication de la date par la juridiction selon les modalités prévues à l’Article 748-1 ou qu’elle est communiquée par la juridiction selon d’autres modalités que celles prévues à cet article, la copie de l’assignation doit être remise au plus tard 15 jours avant la date de l’audience. Cependant, en cas d’urgence, les délais de comparution ou de remise de l’assignation peuvent être réduits par autorisation du juge.
Devant les juridictions pour lesquelles la procédure est orale et où la représentation obligatoire par avocat est étendue [13], dans quel délai faut-il constituer lorsqu’aucun texte n’est prévu ?
S’il n’y a pas de délai pour constituer. Le défendeur peut donc constituer jusqu’à la date de l’audience.
En matière de référé expertise, si le défendeur ne vient pas à l’audience et/ou ne constitue pas avocat à l’audience, peut-il assister aux opérations d’expertise sans avocat ?
En application des Articles 160 et suivants du Code de procédure civile, le défendeur qui n’aurait pas comparu ou n’aurait pas été représenté à l’audience de référé ayant abouti à la désignation d’un expert, peut assister aux opérations d’expertise personnellement, sans être assisté ou représenté par un avocat.
Il a en revanche besoin de constituer avocat si, à la suite du rapport d’expertise, l’affaire est portée devant le juge dans le cadre d’une procédure avec représentation obligatoire.
Notes de l'article:
[1] Articles 760 et 761 pour le TJ et 874 pour le tribunal de commerce.
[2] Article 20 du Code de procédure civile.
[3] De nature réglementaire.
[4] Comme dans toutes les compétences exclusives du TJ.
[5] Sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires.
[6] Exemples : demande d’expertise acoustique motivée par un prétendu trouble anormal de voisinage, demande d’expertise médicale destinée à évaluer un préjudice corporel suite à un accident de la circulation.
[7] C’est notamment le cas des matières relatives au socle de l’instance visées à l’annexe IV-II du COJ ou de la compétence du JCP.
[8] Demande inférieure à 10.000 euros.
[9] Demande reconventionnelle, additionnelle ou en intervention
[10] Avis de la Cour de cassation, 5 mai 2017, n° 17-70.005, Bull. 2017, Avis, n° 5.
[11] Articles L. 121-4 et R. 121-6 du CPCE.
[12] Articles L121-4, L122-2 et R121-23 du CPCE.
[13] Le tribunal de commerce par exemple.