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Brève

La prescription de la médiation en France : état des lieux de l'action des avocats

L’objet de cet article est de faire un bilan de l’évolution des pratiques après 1 an d’application du décret du 11 décembre 2019. Le but mieux connaitre les dispositifs innovants de la prescription de la médiation et l’utilisation réelle de la médiation par les Juges prescripteurs et par les avocats conseils en médiation et mesurer l’évolution particulièrement intéressante à étudier cette année.

Ma démarche sur le terrain m’a conduit à identifier des initiatives émanant essentiellement de magistrats ayant pour objectif de tester voire d’imposer une procédure favorisant la prescription de médiations.

Je me suis attaché à décrire les différents processus incitatifs parfois prévus par les textes ou par les juridictions et la manière dont ils sont utilisés par les acteurs prescripteurs dans 7 Cours d’Appels sur tout le territoire : les Cours d’Appels de Paris, de Lyon, de Versailles, de Pau, de Riom, d’Angers et d’Orléans.

L’expérimentation rime avec souplesse et initiative.

Là se situe leur point fort.

1°- Des avocats qui accompagnent la prescription avec parcimonie.
Il faut avant tout définir ce que nous entendons par prescription, il faut entendre l’action de suggérer, d’orienter, d’ordonner aux parties en présence l’utilisation de la médiation pour le règlement de leur litige.

Or, ces actions sont le fait de plusieurs acteurs.

A côté des magistrats prescripteurs, il convient de cerner et d’analyser le rôle des avocats conseils dans le processus de médiation.

Les avocats sont globalement embarrassés par la médiation non pas tant sur son principe mais à propos de son articulation avec l’activité professionnelle « traditionnelle » de l’avocat.

La question est de savoir comment l’avocat doit utiliser la médiation, à quel moment et comment la proposer à son client ?

S’il existe des avocats résolument hostiles à la médiation, d’autres, peut-être la majorité, ont des difficultés de positionnement par rapport à ce processus qui leur apparait pourtant avoir un intérêt, tant pour leur client que pour eux-mêmes.

L’activité juridique de l’avocat est réglementée par le titre II de la Loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et par le RIN.

L’article 6 alinéa 2 dispose que :

"l’avocat fournit à ses clients toutes prestations de conseil et d’assistance ayant pour objet à titre principal ou accessoire la mise en œuvre des règles ou principes juridiques, la rédaction d’actes, la négociation et le suivi des relations contractuelles".

On constate donc que la formulation de la règle permet à l’avocat une grande manœuvre dans ses missions.

Ainsi, sans vouloir devenir des médiateurs, selon la nature des dossiers, ils se muent en conseillant et en accompagnant la médiation, exerçant ainsi une activité juridique consistant en mission de conseil auprès de leurs clients.

La consultation peut être verbale à l’occasion d’un entretien avec les clients ou au contraire faire l’objet d’un document écrit.

L’activité juridique exige une très grande rigueur du professionnel qui a un devoir ardent de haute compétence.

Il convient de préciser qu’aujourd’hui la déontologie des avocats considère comme une faute des actes professionnels réalisés sans la compétence nécessaire.

Cet accompagnement est donc assez peu fréquent ; la très grande majorité le fait de manière parcimonieuse.

Une minorité d’avocat pratique l’accompagnement en médiation de manière systématique.

En résumé, la posture d’accompagnant n’est pas totalement inscrite dans les habitudes professionnelles des avocats.

Il y a encore des discussions et des débats sur la place de l’avocat au regard de la prescription de la médiation.

Si certains ont saisi que ce rôle devait être celui d’avocat conseil, d’autres en sont plus éloignés et ont sans doute plus de difficultés pour se situer par rapport à ce processus.

Ceci est un obstacle conséquent pour le développement de la prescription de la médiation dans son ensemble.

Cet embarras de la plupart des avocats face à la médiation explique leur participation relative à la prescription de la médiation.

Il semblerait même que certains attendent que le magistrat use de son pouvoir de persuasion envers les justiciables pour, à sa suite, soutenir la proposition auprès de son client.

Ceci dénote qu’ils ne se pensent pas comme des prescripteurs potentiels, ils n’utilisent pas la médiation de manière récurrente.

Au mieux peuvent-ils s’imaginer relayer la prescription initiée par un autre, notamment le magistrat.

2°- Néanmoins, les avocats identifient toutefois les avantages à sa mise en œuvre.
Les avocats qui ont expérimenté la médiation dans leur pratique, ceux qui ont été amené à conseiller la médiation et à accompagner le client lorsqu’une proposition de médiation avait été émise saisissent que cette situation exige de l’avocat d’ajuster sa posture professionnelle

« Comment dois-je faire sachant que je ne suis plus dans une posture de défenseur de mon client sachant que celui-ci est un acteur dans le processus de médiation, quelle place vais-je occuper ? »

Emerge la question de l’accompagnement du client par son avocat en médiation sachant qu’il ne s’agit pas d’une sorte de transmission du dossier, comme ce peut-être le cas entre confrères.

Le problème de l’avocat est de savoir amener la médiation comme une proposition autrement dit agir en tant que conseil tout en déclinant la posture que cela implique pour lui dans ses rapports avec son client au cours du processus.

Il ne s’agit donc pas de transformer tous les avocats en médiateurs mais de les initier à la manière de proposer la médiation à leur client lorsque le litige s’y prête et de l’accompagner au cours du processus.

Les enjeux que croisent l’avocat et le magistrat sont assez proches.

Un bel édifice visant à conseiller la médiation peut devenir caduc s’il n’est pas soutenu par des actes de présentation convaincants.

La question posée est celle de la manière dont on informe les parties de l’option pressentie pour le dossier. Comment convaincre les parties que leur dossier débouchera vers une solution solide et pérenne via la médiation qu’elles ne connaissent pas ?

L’obligation de formation continue est satisfaite par la participation à des actions de formation à la médiation par le CNB qui semble insuffisante par sa durée et son contenu pour former spécifiquement à la pédagogie de l’activité de conseil et d’accompagnement de la médiation.

L’exigence de formation à l’activité de conseil et à l’accompagnement à la médiation doit être augmentée pour améliorer la prescription de la médiation.

Nombre d’entre eux souhaitent connaître et comprendre quelle est la posture du médiateur sans pour autant vouloir l’adopter dans leur pratique quotidienne.

Il ne s’agit pas de provoquer une remise en cause, ni même d’acquérir une nouvelle compétence dans l’exercice du métier mais de conseiller et d’accompagner le justiciable au cours du processus pour le confier en confiance dans les mains du médiateur.

Et pour opérer de la sorte, il semble important à l’heure actuelle de bénéficier d’une formation spécifique adéquate et qui viserait ces objectifs.

Une excellente collaboration entre le magistrat et l’avocat se répartissant les rôles est un facteur de succès.

Il apparaît que le règlement du différend est le plus efficace quand la coopération entre le magistrat et l’avocat est la plus étroite.

En effet, l’avocat dans sa fonction de conseil apporte sa connaissance et sa relation intuitu personæ avec son client ainsi que sa maîtrise juridique du dossier.

C’est aussi un facteur substantiel d’affaires pour l’avocat, selon l’adage

« mieux vaut gagner un client qu’un procès ».

Lorsqu’il conseille la médiation entre les mains d’un médiateur de confiance, il reste le conseil pour l’accompagnement de son client.

En réalité, tout le succès de la prescription de la médiation réside dans la qualité du dialogue de l’avocat conseil en médiation avec le magistrat prescripteur et dans la confiance dans le médiateur « à l’ombre de la loi » (shadow of the law).

C’est uniquement et seulement dans cette relation de confiance que peut s’instaurer une relation privilégiée et durable.